

(…) À travers des gestes simples, mais précis, Mathilde Geldhof met en abyme notre regard et nous conduit à envisager la manière dont la réalité s’est aujourd’hui transformée en une vaste narration visuelle.
Ses œuvres témoignent d’instants fugaces figés par l’acte photographique, relatant en creux son aspect mémoriel. Dans Pour Gabrielle (2021), un tirage noir et blanc posé sur une tablette de bois brut, accompagné d’un vase et de tournesols desséchés, forme une nature morte. L’image dévoile deux mains entre ombre et lumière tenant un appareil numérique compact dont l’écran reste aveugle du fait de l’exposition et de l’angle de vue. Une frêle pâquerette plantée entre les doigts de la main gauche annonce par anticipation la disparition du moment préservé par l’image. Celle-ci fusionne les genres traditionnels, à la fois portrait, scène d’extérieur et nature morte. L’ensemble devient la relique d’une rencontre, d’un lieu et d’une
scène qui entame le récit d’une histoire partiellement laissée hors champ.
Plutôt que d’explorer l’exotique, la photographe plasticienne investit l’endotique à la recherche d’une situation, d’une lumière ou d’une sensation produisant un décalage dans l’apparente familiarité des choses. Que ce soit par l’image seule, l’assemblage ou l’accrochage, elle confère au commun un pouvoir expressif proche du principe « d’étrangéisation » théorisé par Victor Chklovski. (…)
Extrait du texte Mathilde Geldhof, investir l’infra-ordinaire de Thomas Fort


